Jean Clair elected at the Académie Française
On May 22, 2008, Gérard Regnier, aka. Jean Clair, former Fellow at the Harvard Fogg Museum and Boursier Sachs, was elected to the most prestigious Académie Française.
Here is a article from Le Figaro :
Jean Clair, le provocateur by - Sébastien Lapaque - 07/08/2008
Sébastien Lapaque brosse le portrait d'une personnalité iconoclaste de la vie intellectuelle.
L'élection de Jean Clair à l'Académie française, où il prendra place au fauteuil de Bertrand Poirot-Delpech, aura renforcé dans leur mépris ceux qui le regardent comme un traître à la cause. Nourri au lait de la psychanalyse et des avant-gardes, ancien directeur du Musée Picasso, organisateur d'expositions génératrices de flatteuses files d'attente (« Vienne, l'Apocalypse joyeuse » à Beaubourg en 1986, « L'âme au corps » au Grand Palais en 1993, « La Mélancolie, génie et folie en Occident » au Grand Palais en 2005), l'auteur du Journal atrabilaire s'est attaché avec méthode à saboter la réputation avantageuse dont il jouissait parmi les mandarins de l'art contemporain, revendiquant effrontément le « beau nom de conservateur » et le « fier nom de réactionnaire ». Cela fait trente ans que ça dure, trente longues années de controverses autour de la création contemporaine et de provocations qui n'ont cessé d'exaspérer les suppôts du dadaïsme d'État et les pompiers subventionnés. On ne compte plus les tribunes rédigées par les Longues Figures de l'art up to date contre Jean Clair, ni l'encre gaspillée pour le dénoncer comme poujadiste. Cette performance doit être saluée.
Au commencement, il y a l'un des conservateurs des musées de France les plus doués de sa génération, ancien élève d'André Chastel et de Jean Grenier à la Sorbonne, auteur à 22 ans d'un premier roman, intitulé Les Chemins détournés, publié chez Gallimard, reçu à 26 ans à un concours public auquel il s'était présenté sur la recommandation de l'académicien André Chamson : « Si vous voulez écrire, ne devenez pas professeur, mais songez à devenir conservateur de musée, cela laisse des loisirs. » Né à Paris en octobre 1940 d'un père socialiste aux racines paysannes et d'une mère fervente catholique, gamin des faubourgs et boursier de la République, brièvement passé dans les rangs de l'Union des étudiants communistes (UEC), Jean Clair n'a jamais entendu ce mot de loisirs au sens moderne. Ayant gagné les moyens de sa liberté, il s'est employé à défendre et à illustrer son sens le plus ancien, sans se soucier de ceux qui l'accusent de dérive « droitière ». Dans un siècle voué à la tyrannie du negotium, cet historien de l'art distingué s'est consacré au loisir studieux et au plaisir aristocratique de déplaire. On ne s'étonnera pas d'apprendre qu'une horde de détracteurs est accrochée à ses basques : dans notre temps où tout se détruit et tout se perd, un esprit doué de style et d'érudition est sommé de s'en excuser comme d'une incorrection.
Des excuses, Jean Clair n'en fera pas dans son discours de réception à l'Académie française. Mais on peut s'attendre à un joli morceau de bravoure contre ceux qui lui contestent la liberté de parole qu'il s'est octroyée après avoir quitté la revue Chroniques de l'art vivant en 1975. Un départ que ses calomniateurs évoquent comme une désertion. Tournée la page de ses années avant-gardistes, Jean Clair est devenu le grand accusateur de la modernité picturale et d'une « prolifération formaliste » dont l'horizon est le néant et le vide. Entre chacun des catalogues qui ont rythmé sa vie de conservateur, ses essais ont été lancés comme des missiles sur le quartier général du nihilisme contemporain : Considérations sur l'état des beaux-arts (Gallimard, 1983), La Responsabilité de l'artiste : les avant-gardes entre terreur et raison (Gallimard, 1997), Du surréalisme considéré dans ses rapports au totalitarisme et aux tables tournantes (Mille et Une Nuits, 2003), sans oublier son Journal atrabilaire (Gallimard, 2006), publié peu après son départ du Musée Picasso pour transformer sa retraite en contre-offensive.
Cette charge contre l'inanité de notre présent esthétique et politique prouve que Jean Clair n'est pas le pédant obscurantiste qu'on dit. « Enfant de pauvres », comme il l'écrit, il sait ce qu'est une culture populaire et ne la confond pas avec la culture de masse. Insensible à la religion du futur, il est terrifié par la fuite en avant à laquelle nous condamne le culte de la nouveauté. « On ne fait plus que dilapider sans vergogne les richesses du passé. On tire des traites, sans compter, sur un héritage qui nous a été confié, sans pouvoir ni l'accroître ni même le sauver. » Cet homme en colère contre l'inculture et la vénalité de ses contemporains n'a rien d'un iconoclaste. Pour peu qu'on lise ses travaux avec attention, on découvrira chez Jean Clair une théorie de la valeur qui invite l'intelligence à ordonner de manière verticale les œuvres de création que reçoivent l'œil et l'oreille.