Saturday, November 8, 2008

Spécial États-Unis - Harvard, la fabrique des as

Spécial États-Unis - Harvard, la fabrique des as

The following article was published in Le Point magazine on Jan 15, 2009.

HFSF beneficiaries Anne-Laure de Chammard and Simon Lapeyry had the opportunity to share with the journalist their experience of Harvard Campus.

Spécial États-Unis - Harvard, la fabrique des as
Depuis presque quatre siècles, la célèbre université de la côte est fournit des élites à l'Amérique et au monde entier.

De notre envoyée spéciale Hélène Vissière

Ces jours-ci, ça n'arrête pas. La doyenne de la faculté de droit de Harvard, Elena Kagan, vient d'être nommée à un poste juridique clé dans l'administration Obama. Quelques jours plus tôt, John Holdren, professeur d'environnement, était promu conseiller scientifique. Larry Summers, professeur à la Kennedy School, l'école d'administration, va diriger le Conseil économique national... Et la liste ne cesse de s'allonger. « Harvard alimente toute nouvelle administration. Mais, cette fois-ci, on va probablement perdre beaucoup d'éminents enseignants, peut-être plus que sous l'administration Clinton », estime Robert Stavins, professeur à la Kennedy School.

Ce n'est pas pour rien que Havard, la plus ancienne des universités américaines (fondée en 1636), est aussi considérée comme la plus prestigieuse. Depuis presque quatre siècles, la vénérable institution avec ses bâtiments de brique rouge, dans la banlieue de Boston, attire la crème des enseignants du monde entier : 43 prix Nobel, autant de Pulitzer...

Et l'annuaire des anciens élèves a des allures de Bottin mondain : Leonard Bernstein, Al Gore, John Updike, l'actrice Natalie Portman, Mark Zuckerberg, qui, de sa turne, a créé le site Facebook... Sans oublier huit présidents américains, à commencer par Barack Obama et son épouse, tous deux diplômés de la faculté de droit. « Mes camarades de cours ont tous des parcours incroyables. Il y a une harpiste professionnelle, la fille du leader palestinien... A côté, j'ai l'impression d'avoir une vie terne », raconte Anne-Laure de Chammard, une jolie Française de 25 ans, X-Ponts, qui suit des cours de chant au conservatoire et un master en administration publique. Car Harvard fabrique aussi l'élite mondiale. 47 % des étudiants de la Kennedy School sont étrangers. « C'est ici que beaucoup de futurs leaders se rencontrent et tissent des relations personnelles », explique David Ellwood, le doyen.

Si une telle concentration de neurones au mètre carré est possible, c'est que la sélection est impitoyable aussi bien pour rentrer au collège, une formation généraliste de quatre ans après le bac, que pour accéder aux dix graduate schools, la faculté de droit, de médecine... L'an dernier, le collège a accepté 1 650 étudiants sur 27 000 dossiers de candidature : un candidat sur 16.

Centre du monde
Et tous ne sont pas de riches héritiers. Certes, les frais de scolarité sont vertigineux, 47 215 dollars pour une année de collège, internat compris. Mais Harvard accorde des bourses à plus de la moitié de ses étudiants. Et ceux issus de familles aux revenus inférieurs à 60 000 dollars, soit un cinquième des élèves du collège, sont quasi exemptés de frais de scolarité.

Harvard offre des conditions de travail à faire pâlir d'envie un président d'université française. Un professeur pour 7,5 élèves à la Kennedy School, 16 millions de livres dans les multiples bibliothèques, de grosses allocations de recherche pour les profs... Sans parler d'une douzaine de musées, d'une vingtaine de troupes de danse, d'une quarantaine de groupes de musique et des équipements sportifs haut de gamme.

« Ici, on a l'impression d'être au centre du monde. Dans la même semaine, j'ai assisté aux conférences de trois prix Nobel et du grand chef espagnol Ferran Adria », commente Simon Lapeyry, un centralien de 23 ans en master de mathématiques appliquées. « La qualité des cours et le niveau des élèves sont équivalents à Centrale. Mais il n'y a pas les mêmes moyens », résume-t-il. Il n'y a qu'à voir la bibliothèque de la business school, avec son dallage en marbre, ses canapés en cuir et son appariteur à plumeau qui range votre chaise dès que vous vous levez. Quant à la luxueuse cafèt' de la fac de droit où Obama mangeait des carottes râpées il y a vingt ans, rien à voir avec un restau U parisien.

« C'est un rêve d'enseigner ici, reconnaît Robert Stavins, spécialiste d'environnement. Les ressources de cette université sont presque sans limites, on est gâté. Mais le plus grand plaisir, ce sont les étudiants, les meilleurs du monde. »

Les frais de scolarité de cette université privée qui compte 20 000 étudiants ne couvrent qu'environ 20 % de son budget de fonctionnement. Et, pourtant, elle est riche à milliards grâce à son endowment, une dotation en capital, qui atteignait en juin 36,9 milliards de dollars, plus que le budget de l'Enseignement supérieur et de la Recherche en France. Ce trésor de guerre accumulé depuis des décennies provient d'abord de la générosité de donateurs, la plupart d'anciens élèves. Mais aussi des plus-values réalisées par les 200 employés de la Harvard Management Company, une entité discrète qui fait fructifier ce pactole investi en actions, immobilier, devises... Sur les cinq dernières années, cette machine à fric a affiché un extraordinaire rendement annuel moyen de 17,6 %.

Harvard est passé maître dans l'art de dorloter ses 300 000 « anciens », devenus pour certains milliardaires. Voyages, sorties à l'Opéra et surtout anniversaires de promotion qui se planifient un an à l'avance. Plus de 600 employés s'occupent du réseau des anciens élèves et de la collecte de fonds, qui s'est élevée l'an dernier à 651 millions de dollars.

Mais la plus riche des universités américaines souffre de la crise. A la fin octobre, son endowment avait perdu 8 milliards de dollars, soit 22 % de sa valeur, et devrait décliner d'au moins 30 % sur l'année. Les dons sont aussi en baisse. Du coup, certains départements ont annoncé des coupes budgétaires de 10 à 15 %. Qu'on se rassure. « Même avec tout l'argent qu'il a perdu, Harvard en a toujours plus que n'importe quel collège dans le monde », remarque Scott Jaschik, rédacteur en chef de la revue Inside Higher Ed. Des problèmes de riches...

Des Français à Harvard
On compte en France quelque 2 500 anciens élèves de Harvard, la moitié diplômés de la business school . Parmi eux, Pierre Gadonneix, PDG d'EDF, Alain Mérieux, le président de Biomérieux, le député Pierre Lellouche, l'éditrice Odile Jacob... Le club de la business school organise régulièrement des rencontres avec des personnalités : Nicolas Sarkozy, François Copé, le patron d'Essilor y ont participé... Le Harvard Club de France, lui, a organisé récemment une visite de la Fondation Cartier-Bresson avec des conservateurs des musées de Harvard. Les clubs offrent aussi des bourses à des étudiants français qui souhaitent s'inscrire à Harvard. Cette année, 84 Français suivent des cours sur le campus H. V.